Larguer les "j'en ai marre" par Sandra

Publié le par Nathalie - Tamara

Larguer les "j'en ai marre" par Sandra

Quand Sandra nous livre ses "j'en ai marre"... Se laisser traverser par ces bouffées d'indignation voire de révolte car oui, parfois...la prison est préférée à la liberté et ça peut nous laisser sans voix... pour ensuite retrouver respiration et inspiration

Et oui, parfois aussi et tout au long de l'h(H)istoire, certains ont refusé la sortie de leurs geôles...
"Le maître de la plantation avait réuni tous ses esclaves pour un dîner. A côté de lui était assis l'esclave le plus ancien. Le maître lui dit: "Tu es vieux, si vieux. Je te donne ta liberté. " L'esclave est resté assis. Il n'est pas parti. Il a dit qu'il avait peur, qu'il ne savait pas ce que c'était que d'être libre. "

"Larguer les J'en ai marre
Cela ne fait pas seulement un an, cela fait dix ans.

Dix ans que cela dure à nous faire croire que cela peut durer et, le nez dans le guidon, nous continuons sagement la même affaire, la même histoire sans nom, dont le visage se tord de plus en plus d'une douleur muette, enfouie dans les entrailles de tout.

J'en ai marre.

J'en ai marre de voir que même en remontant jusqu'aux Egyptiens, nous retrouvons les mêmes témoignages d'humains pris de vertige et de désespoir face à l'incontinence globale du genre humain. Une incontinence de bêtises, de froideurs, de guerres, d'outrages qui ne font que se déverser, comme si la seule chose à pouvoir couler était ce tas d'ordures sans fin, généré par un genre humain qui se refuse à exprimer de lui autre chose que ce genre-là tout affligeant.

J'en ai marre au point de me fatiguer moi-même de m'entendre penser cela.

J'en ai marre de voir, de voir tout cela. La violence me fatigue. Elle suinte partout, elle s'accroche comme un sale venin injecté il y a des siècles, qui se reconduit par le passage que nous lui laissons toujours.

Par mes mots, j'en ai marre de le voir aussi, mais je ne veux pas devenir le parangon du tout-va-bien-je-vais-bien ou du que la lumière fuse par-delà le firmament et inonde nos couronnes, alors que nous continuons gentiment d'errer en nous-mêmes et à chaque coin de rue où je ne vois que..

Que des âmes errantes répétant les mêmes gestes obscurs et inconscients, ou si conscients de leur carapace à reluire toujours pour se targuer d'être bien vivant, quant au fond nous ne faisons que nous larmoyer ou nous apitoyer sur tout et sur rien, comme je suis là et lasse d'être en train de le faire.

Mais j'en ai marre aussi de cette putain de culpabilité qui s'accroche à mes cellules comme un héritage obligé, pour mieux nous soumettre à tout et à soi-même aussi, puisqu'il faut bien obéir au système et à toi-même, bon vieux système intégré si profondément, que tu ne sais même plus voir à quel point tu vivotes dans des schémas tout appris, qui te font te sentir fort ou bien soumis, c'est comme on veut, c'est du pareil au même de toute façon.

Tu paieras la note: ton âme devra continuer de se tenir à l'écart et ainsi de permettre au triste tableau de se ternir, pour que nous continuions d'acheter tous les vernis à venir, faux, et semblant toujours nouveaux, pour briller d'un lustre qui n'illustre que notre couardise et notre immaturité totale face à nous-mêmes et notre évolution.

D'évolution il n'y en aura donc pas. Il faudra toujours refaire le monde avec la même soupe infâme qui ressert la même carotte pour aller au bout du rouleau dans le tombeau.. des Danaïdes.

Il suffira d'un signe oui il suffira d'un signe, et certains se grisent d'en voir partout quand, jusqu'aux extraterrestres qui viendraient nous tirer d'affaire, nous appelons simplement à l'aide chaque jour que Dieu ne fait plus, à la lumière de notre obscurité vendue à coups de scoops, sempiternelles répétitions d'une sagesse étouffée sous l'oreiller.

Sur l'oreiller on y baise ou on y laisse ses souffrances, en larmes sitôt épongées puisqu'il faut sans cesse nous réveiller de ce non-sens constant qui ne ramène jamais à nous qu'une illusion que tout ira mieux demain, forcément, du moins c'est ce que l'on aime à croire, pour ne pas avoir à dire une bonne fois pour toutes: j'en ai marre. Définitivement marre.

Comme on lance les amarres, comme on s'égare pour oser flirter avec une sorte de folie de voir la vérité en face ce truc qui tourne en rond par dizaines d'années et nous ramène sans cesse au même niveau: là où mille fois nous aurions pu dire "j'en ai marre".

J'en ai marre parce que ça suffit. Marre parce que tout arrive à une fin. Marre parce que le fruit mûr tombe à terre et que je le ramasse putain de merde! Marre parce que le progrés dont on veut nous rassasier depuis la naissance est la folie, la seule, celle que l'on enferme pas pourtant, et que l'on laisse faire du mal, détruire, proliférer comme une plaie béante qui s'appelle bientôt la terre, abandonnée de ses gardiens d'un jour.

D'un jour. C'est tout ce que nous sommes depuis tout ce temps. Si peu. Tellement nombreux aussi oui c'est vrai. C'est qu'il nous faut du nombre pour faire changer les choses. Enfin..il paraît. Il paraît que quand nous serons assez.. quand nous serons assez.. quand nous serons assez.. Quoi?

Nous en aurons vraiment assez?
Nous en aurons vraiment marre?
Nous oserons dire "j'en ai marre"?
Nous larguerons les amarres?

Le maître de la plantation avait réuni tous ses esclaves pour un dîner. A côté de lui était assis l'esclave le plus ancien. Le maître lui dit: "Tu es vieux, si vieux. Je te donne ta liberté. " L'esclave est resté assis. Il n'est pas parti. Il a dit qu'il avait peur, qu'il ne savait pas ce que c'était que d'être libre. "

Sandra Rabec
25 septembre 2019
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Publié dans Textes amis

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