La fusion des automnes par Audrey

Publié le par Nathalie

La fusion des automnes par Audrey

Partage d'un billet confié par Audrey. Merci à elle :) : "C’était juste une feuille morte sur la route devant moi, quand j’allais chercher mes enfants chez leur père. Il a du bol, il vit dans un coin d’automne lui ! Tout était déjà là, la température, la couleur du ciel, le vent dans les arbres, mais juste cette feuille-là, c’est elle qui a tout révélé, qui m’a rappelé que j’y étais déjà (le calendrier, on s’en fout !).

 

Dans cet automne éternel qui contient tous mes souvenirs d’hier et de demain. J’ai mélangé tous mes automnes dans un shaker aux marrons chauds. Du coup, toutes les saveurs que je goûte aujourd’hui, c’est celles d’hier et de demain. Tout y est.

Les automnes d’avant aux marrons, avec la rentrée des classes, l’odeur de luzerne, la boite en plastique vert qui contient la petite éponge pour l’ardoise. La laine qu’on commence à mettre, et ces couleurs partout. Les automnes de mes enfants dans cette école qui fêtait toutes les saisons, cette saison-la que je chéris tant. Celle qui veut tout dire, tout promettre, qui contient tout.

Les automnes d’après, ceux que j’ai pas encore vécus dans ce village hors du temps en Bretagne, dans cette maison aux grosses pierres grises, la terre et son herbe mouillée, les hortensias bleus qui irradient de leur propre lumière. Là-bas dans cet automne j’y suis libre et moi-même, avec mes bottes en caoutchouc pas sexys et mon panier en osier pour ramasser ces fameux marrons et m’occuper de mes animaux. Adorer me salir de leur nature et me sentir toute engluée de leur amour. Et redevenir sexy avec mes docs et mes bas résilles et des trucs que je sais pas encore que je vais me trouver sexy dedans.

Sortir là-bas dans ce ptit bar aux airs d’Ecosse, et rentrer chez moi, parce que c’est ma tanière, dans l’automne j’aime tellement rentrer chez moi, être à l’intérieur, tout contenir. Dans cet automne, y’a mon amoureux parfait aussi ! Son équilibre est venu se fondre avec le mien. Je piaffais d’impatience. J’avais oublié qu’il lui fallait tout ce temps. Pour lui c’est les hivers, je crois.

C’est pas grave si tu as besoin d’encore quelques hivers, moi je savoure mes automnes. D’ailleurs, l’automne de l’année passée m’a envoyé ce message pour que je te le transmette dans l’automne d’aujourd’hui, certainement pour qu’il résonne dans un automne futur :

Est-ce que tu sais que quand tu es si fatigué que tes yeux ne tiennent plus le regard de quiconque, tu as les miens, même loin, qui t’envelopperont, te soulageront, sans aucune condition ? Quand ta vie court plus vite que toi, regarde-moi et tu ralentiras. Quand tu suffoques, pense à l’air que je respire, c’est le même. Quand tu ne sais plus, assieds-toi et rassure-toi, je suis là. Quand tu as peur du saut dans le vide, regarde en bas et partout, je suis aussi là. Quand tu es en rage, en folie, en colère grondante, prends de ma paix, elle te calmera.  Demande et je viens dans tes rêves, comme tu viens déjà dans les miens.

C’était juste deux-trois mots sur une feuille au vent. Moi tu sais, y’a pas que les automnes, y’a les étés aussi. J’ai besoin d’apprendre à vivre l’été d’abord, sans suffoquer de la chaleur. D’apprendre à brûler sans me consumer. Dans le désir de l’autre, oui, c’est mon corps qui a besoin de vivre les étés. Parce que je veux les goûter à pleines dents, de tout mon corps en fait, il se prépare.

Et moi aussi j’ai mes hivers, ils me prennent et me glacent sur place. Quand je me tiens au chaud, dans la confiance et la conscience, parfois l’hiver arrive et me gèle, et révèle mes ombres. Je me retrouve louve blessée dans sa tanière, je montre les crocs. La lumière diminue, je vois moins bien. Dans ces hivers, j’ai peur, j’ai froid, je suis fatiguée, je voudrai hiberner, je vacille, je remets tout en doute, j’ai envie de tout lâcher, je veux dormir, jamais me réveiller. Alors je m’enveloppe, je panse mes plaies, je m’écoute, je me réchauffe et je dors. Et je t’écoute et je t’entends aussi loin que tu es, je respire l’air que tu respires, je vois tes yeux qui me transpercent, je ralentis, je prends de ta paix, j’ose sauter dans le vide, parce que tu es partout. Et je me rappelle tous les hivers que j’ai traversés, tout ce que j’arrive à construire à partir de ma flamme intérieure, tout ce que j’arrive à accomplir seule, parce qu’en fait, je ne le suis jamais.

Ouais là-dedans il manque le printemps, mais celui-là c’est la naissance, c’est la naissance de tous nos étés-automnes-hivers fusionnés, celui-là je le connais pas encore, c’est un bijou, une surprise, un cadeau. Il est planté en terre, et j’en prends soin, et quand je suis loin, c’est toi qui le fais. A tour de rôle, dans une danse des saisons intimes qui ébranle tout autour, à bas-bruit. Et un jour ça sortira de terre pour naître et grandir au grand jour. Ça éclatera et illuminera, tout autour encore, c’est fait pour !

En attendant, je saupoudre du chaud de mes étés sur tes hivers, et je savoure mes automnes."

 

Publié dans Textes amis

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